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Trump, Musk et les «  ingénieurs du chaos »

Publié le 03 septembre 2024
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Trump, Musk, Image générée par IA Grok
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En orchestrant par la puissance de leurs immenses fortunes et de leur réseaux sociaux le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, Elon Musk et ses amis veulent imposer partout une idéologie ultralibérale et autoritaire d’extrême droite dangereuse pour nos valeurs démocratiques.

A la Maison Blanche, ce 21 janvier, Elon Musk, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg étaient assis au premier rang de « l’internationale réactionnaire » qui acclamait l’investiture de Donald Trump. Le salut bras tendus du patron de Tesla, X et Space X, les regards glaçants du PDG d’Amazon, l’hilarité déplacée du créateur de Facebook trahissaient plus de condescendance que d’allégeance à l’égard du président de la première puissance économique et militaire mondiale. Au fond, ce sont bien eux, les magnats du Monde Nouveau, qui ont aidé à ramener à la Maison Blanche ce milliardaire du vieux monde. Et non l’inverse.

Donald Trump signe directives et décrets, souvent contraires aux droits humains les plus élémentaires. Il désigne des ennemis partout dans son pays et dans le monde au seul motif qu’ils ne souscrivent pas à ses délires. Mais s’il a pu, par exemple, retirer sans trembler les Etats-Unis de l’accord de Paris sur les émissions CO2, c’est parce que la négation du dérèglement climatique prospère sur les réseaux sociaux contrôlés par ses financeurs.

La deuxième génération des génies de la Silicon vallée a produit des «  ingénieurs du chaos » (Folio), titre de l’ouvrage de Giuliano da Empoli.

Ils ont enrobé leurs créatures numériques de jolis adjectifs comme «  collaboratifs », « participatifs », « informatifs ». Toute honte bue, ils ont même accolé « sociaux » à ces réseaux, qui deviennent des armes de bourrage massif des crânes. Relayés par des médias conventionnels amis ou en dépendance, les plateformes numériques peuvent censurer toute expression non conforme à leurs idées et pire transformer la réalité pour en écrire une autre au service d’une idéologie réactionnaire.

Si au moment même où des incendies liés à la sécheresse ravageaient les montagnes de Los Angeles, Trump a paraphé un décret de retrait de l’accord de Paris sur les émissions de CO2 : la négation du dérèglement climatique prospère sur X et de grands médias.

Trump a convaincu des électeurs confrontés à la dureté de la vie quotidienne, des ouvriers de territoires désindustrialisés, et de façon globale les perdants de la mondialisation parce que les systèmes d’information des géants du net ont inculqué que «  c’était mieux avant » ; que « c’est la faute à l’étranger » ; que « l’écolo des métropoles » veut la disparition de leur mode de vie. Les algorithmes deviennent des bombes à fragmentation de la société et génèrent des communautés qui se côtoient sans vivre ensemble.

L’argent ne suffit plus aux Crésus de notre époque. Ils veulent privatiser la planète à leur profit, y imposer leurs idées et même conquérir l’espace : Elon Musk va jusqu’à promettre Mars aux terriens. La politique étrangère de la première puissance économique et militaire est déjà au service de la promotion commerciale de ses intérêts et de sa croisade idéologique partout dans le monde. L’Argentine est aussi gouvernée par un autocrate de cette galaxie Musk-Trump. Le Brésil l’a expérimentée.

En Europe, Elon Musk se vante de diriger la campagne de l’extrême droite allemande. Les dirigeants de l’Italie, de la Hongrie et de quelques autres pays célèbrent sa nomination au cabinet Trump. En France, au Portugal, l’extrême droite lui fait de courbettes

L’ordre autoritaire et inégalitaire mondial selon Elon Musk et Donald Trump n’a pas encore franchi la frontière entre le virtuel et le réel.  Leur projet est clair : ils veulent déréguler le monde et exclure de nos sociétés le progrès, la tolérance, l’impartialité de la justice, le collectif, les solidarités, la liberté de penser et de s’exprimer. Toutes ces valeurs héritées des philosophes grecs, de l’esprit des Lumières et même des textes des pères fondateurs des Etats-Unis.

Comment leur barrer la route ?

Avec la puissance de nos valeurs et la force de nos convictions. Levons-nous ensemble, politiques, syndicats, associations, citoyens chaque fois qu’une liberté, un droit sont attaqués, bafoués, supprimés.

Rétablissons les faits dès qu’une réalité est niée, qu’une fausse nouvelle se répand dans les esprits : médias, universitaires, politiques doivent y consacrer du temps.

Et surtout combattons l’injustice sociale, en redistribuant les richesses de façon équitable, en donnant au travail sa juste valeur, en protégeant les citoyens par des services publics solidaires et performants, en donnant à l’école les moyens d’apporter la savoir et l’esprit critique à notre jeunesse. Construisons une Europe à la hauteur.

Le chantier est immense.

A la veille de ce siècle, à Millau en Occitanie, des militants autour de José Bové démontaient symboliquement un fast-food d’une multinationale américaine pour nous alerter avec ce slogan « Un autre monde est possible ». Un quart de siècle plus tard, un autre monde que celui de Musk et Trump est possible.

Carole Delga