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Trump : la méthode du chaos

Publié le 09 avril 2025
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L’augmentation délirante des droits de douane imposée par Donald Trump déstabilise l’économie mondiale au risque de provoquer une crise comparable à celle des années 1930. La riposte des Etats et des citoyens doit se hisser à la hauteur de la menace que représente ce protectionnisme pour l’emploi, les droits humains et aussi pour nos démocraties.

Avec Donald Trump, la brutalité est une méthode et le chaos un objectif. En menaçant la Terre entière de droits de douanes exorbitants depuis son terrain de golf, il lâche des bombes à fragmentation destinées à déstabiliser l’économie mondiale. Y compris celle de son propre pays. Et même ses propres amis, du moins en apparence : son financeur et conseiller Elon Musk vient de perdre 300 milliards en un mois et de traiter de « crétin bête comme ses pieds » le conseiller économique du président Américain !

Pour la première fois dans la longue histoire des krachs boursiers, la panique sur les places de marché est déclenchée par un acte politique d’un chef d’Etat et non par une surchauffe monétaire, une crise macro-économique ou un conflit armé.

On le sait depuis le jeudi noir du 24 octobre 1929, les déflagrations boursières déclenchent toujours une spirale infernale : récession, inflation, chômage de masse, tensions internationales… Ici comme aux Etats-Unis, les plus démunis seront les premières victimes. Les secteurs d’activité les plus fragiles risquent de ne jamais s’en relever. On pense naturellement à la filière viticole, si importante pour notre pays : un cinquième des exportations de vins part vers le marché américain, soit 880 millions d’euros annuels. L’aéronautique, le luxe, l’agriculture…Nul n’est à l’abri.

Donald Trump opère une rupture avec ses prédécesseurs : qu’ils soient Républicains (Bush père et fils) ou Démocrates (Clinton, Obama), les dirigeants de la première puissance mondiale ont promu une libéralisation débridée des échanges internationaux. Depuis la fin de la guerre froide, souvent à l’initiative de la Maison Blanche, les barrières douanières se lèvent. Plus de 70 traités commerciaux internationaux, tels le Mercosur ou le CETA (UE-Canada) ont été signés sous le regard approbateur de l’Organisation Mondiale du Commerce, en principe chargée de réguler les excès de protectionnisme ou au contraire le dumping social.

Les gouvernements de nos grandes démocraties n’ont pas suffisamment écouté les lanceurs d’alerte altermondialistes. En dehors de secteurs stratégiques comme l’armement ou le spatial, le marché a imposé sa loi aux politiques, la finance ses règles à l’entreprise de production
Carole Delga

Cette promesse de «  mondialisation heureuse » a produit une désindustrialisation malheureuse dans les « vieux pays » comme la France, l’Allemagne ou le nord des Etats-Unis. A l’échelle mondiale, dans l’industrie, l’agriculture et même les services notamment l’informatique, une concurrence malsaine des modes de production a tiré vers le bas les droits humains et sociaux tout en ponctionnant les ressources de la planète.

Du démontage du MacDo de Millau au mois d’août 1999 aux grands rassemblements de Seattle, Porto Alegre ou Gênes, la marchandisation de la planète a été combattue au début du siècle par des militants altermondialistes tels José Bové ou Susan George. Ils se sont mobilisés pour exiger des droits sociaux universels, des garanties pour l’environnement, la préservation du vivant ou encore des solidarités avec les pays du sud.

Les gouvernements de nos grandes démocraties n’ont pas suffisamment écouté ces lanceurs d’alerte. En dehors de secteurs stratégiques comme l’armement ou le spatial, le marché a imposé sa loi aux politiques, la finance ses règles à l’entreprise de production. Les formations de gauche ont trop scindé les combats pour la justice sociale, la transition écologique et la création d’emplois au lieu de se battre pour une régulation globale et réaliste du marché, de proposer une vision de l’économie et de l’entreprise centrées sur la responsabilité sociale et environnementale.

L’Europe doit réagir avec fermeté sur les droits de douane comme sur les droits sociaux et humains car l’attaque de Trump menace autant nos emplois que nos démocraties
Carole Delga

Les dérives de la mondialisation ont nourri les populismes, leur idéologie nationaliste et identitaire de repli sur soi, de rejet de l’autre et d’affrontement. Le résultat, c’est Donald Trump. L’antithèse de l’altermondialisme, l’inverse d’un universalisme solidaire et protecteur dans les échanges. Son protectionnisme recherche la captation et non la juste répartition des richesses. Sa méthode : l’autoritarisme, la terreur, la terre brûlée. Les retraités américains ont vu leur pensions, dépendantes de fonds indexées sur les Bourses, baisser de 20% en une semaine !

Trump et les siens rejettent toute référence aux droits humains, toute idée de réchauffement climatique, toute autre vision du monde que celle d’un marché à conquérir ou d’un concurrent à écraser. Sauf s’il se soumet, comme s’apprêtent à le faire quelques chefs d’Etat et de gouvernements, affidés au détriment de leur propre peuple.

Dans cette course à la taxe douanière sans plafond, Trump a désigné son ennemi : la Chine. L’usine du monde est devenue le rouleau compresseur de cette mondialisation à marche forcée en profitant du libre-échange sur le marché mondial tout en protégeant son marché intérieur derrière une muraille douanière. C’est précisément le modèle que Trump prépare pour son pays : fermer le marché américain par des surtaxes ou des interdits pour obliger les multinationales à produire sur son sol et inonder la planète de Made in USA et de ses capitaux au moyen d’un dollar faible. La Chine a déjà riposté, instaurant un face à face musclé sur le Pacifique, qui menace de marginaliser le reste du monde.

Aux côtés du Canada, du Mexique, du Japon et des pays du sud, l’Europe doit réagir avec fermeté sur les droits de douane comme sur les droits sociaux et humains car l’attaque de Trump menace autant nos emplois que nos démocraties. La mobilisation de centaines de milliers d’Américains le 5 avril autour du slogan « hands off » (bas les pattes) est un bel encouragement à ne rien céder sur nos valeurs. Ce combat doit aussi être mené chez nous contre ceux qui se mettent dans les pas de Trump avec pour seule intention de déstabiliser notre modèle social et nos institutions républicaines.

Carole Delga