Élue maire de Pibrac près de Toulouse en 2020, Camille Pouponneau a quitté son mandat à l’automne 2024, épuisée par les sentiments d’abandon et parfois d’impuissance qu’elle ressentait. Elle a tenu à témoigner de cette expérience dans un ouvrage « Maires quel gâchis ». Elle explique sa démarche.
Aussi loin que je me souvienne, bien que n’évoluant pas dans un environnement militant, j’ai toujours été passionnée de politique. Collégienne, déjà, j’avais pris la tête d’une mobilisation de protestation contre l’évolution du règlement intérieur de l’établissement. Mon envie de combattre l’injustice et de changer la vie dans le sens du progrès et de la justice sociale m’ont conduit à travailler ardemment pour intégrer Sciences-Po.
Alors que je n’avais ni réseaux, ni contacts, l’enseignement public m’a permis de mettre un pied dans la politique à l’occasion de mon stage de fin d’études. Nous étions en 2012, en pleines campagnes présidentielle et législatives. Ne bénéficiant d’aucun piston, j’ai envoyé plus de 60 offres de services à des candidats de gauche à la députation dans le sud-ouest.
Carole Delga m’a répondu. A ses côtés, j’ai compris que la politique pouvait être authentique. J’ai appris la rigueur, le sens du détail. J’ai mesuré la force que donnait l’amour des gens. A son contact et à mon tour, j’ai eu envie de transformer l’attachement à mon territoire en engagement pour le servir.
Élue tout d’abord Conseillère départementale en 2015, je deviens, en 2020, à 30 ans, la première femme Maire de ma commune de Pibrac, dans la métropole toulousaine. Dans cette commune où j’ai grandi, au pays de ceux que j’ai aimés. Ce mandat, j’ai souhaité du plus profond de mon être l’exercer. Et pourtant il m’a consumée.
Le 18 octobre dernier, j’ai quitté mes fonctions de Maire après 4 années et demie très intenses, dans une situation d’épuisement physique et mental sévère.
J’ai eu besoin de comprendre, de comprendre comment la jeune femme pleine d’entrain, de fougue et d’investissement que j’étais avait pu finir dans une situation de telle détresse.
D’aucuns diront que j’étais trop ceci, pas assez cela. Comme l’explique Raphaël Glucksmann dans l’un de ses premiers ouvrages, ramener à l’intime permet de traiter toute situation sous l’angle de la responsabilité individuelle au lieu de se confronter à des manquements qui sont en fait structurels. Nous faisons peser le poids des responsabilités sur les individus plutôt que sur le système.
Nourri de très nombreuses études et rapports, j’ai mesuré combien je n’ai pas été la seule à rompre mon engagement : plus de 2 400 maires l’ont fait depuis le début de la mandature en 2020. Des démissions deux fois plus importantes qu’entre 2014 et 2020.
En 11 chapitres, je reviens sur les 11 raisons qui ont alimenté progressivement mon épuisement et mon sentiment d’impuissance. De la déresponsabilisation collective au manque de moyens en passant par des normes de plus en plus complexes, coûteuses et contradictoires, les menaces sur la vie privée, sans oublier les politicailleries, j’ai souhaité décrire le poids de ce système. Un système qui n’est pas immuable.
Car ce livre est en fait un cri d’alerte. Je reste persuadée que le maire est le premier combattant de la fraternité, pilier de notre République. Il est donc urgent de lui redonner tout son pouvoir d’agir.
A l’approche des élections municipales, j’invite chaque citoyen à s’engager dans un mandat local. Son regard sur les autres, le commun et les politiques publiques en sera profondément bouleversé.
Et alors seulement nous pourrons enfin avancer loin des poncifs. Enfin, nous pourrons dessiner la République que nous avons en commun.
Camille Pouponneau