L’incarcération arbitraire à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est une profonde atteinte aux Droits de l’Homme. Quand on défend les valeurs fondamentales de la démocratie, on n’a pas le droit de répondre « oui, mais » à l’exigence de sa libération.
22 juillet 1936. Léon Blum prévoit d’envoyer un télégramme au chef du gouvernement de la République espagnole, José Giral, pour répondre favorablement à sa demande de fourniture d’obus, de petits véhicules blindés, de matériel de défense anti-aérienne… Blum interroge le ministre de Affaires Etrangères, Yvon Delbos, qui lui répond : « Oui, mais, il faut d’abord consulter nos alliés britanniques ». Le lendemain, Blum et Delbos consultent les Britanniques qui à leur tour rétorquent : « Oui, mais cela nous placerait sur la ligne de Staline et déclencherait l’intervention d’autres puissances en faveur des nationalistes »…
Quelques armes de fabrication française ont bien été livrées à l’armée républicaine en gare de Canfranc dans un convoi sous drapeau lituanien, organisé notamment par le futur président de la République, Vincent Auriol, et des députés socialistes d’Occitanie. Mais le télégramme, les obus et les armes lourdes n’ont jamais traversé les Pyrénées. Ce « oui, mais » s’est achevé par un non et par la chute de La République espagnole, première démocratie européenne à tomber en 1939. Léon Blum confia dans ses mémoires avoir regretté chaque jour de sa vie de ne pas avoir répondu « oui ». Leçon de l’Histoire.
22 janvier 2025. Boualem Sansal est un écrivain de 73 ans détenu pour avoir usé de sa liberté d’expression et de son droit de critiquer le pouvoir en place à Alger. Au Parlement européen, des députés de la France Insoumise s’abstiennent sur une résolution réclamant sa libération. Comme d’autres avant eux, ils estiment que « oui c’est vrai il doit être libéré, mais quand même… ». Rima Hassan vote même contre la résolution, écrivant en outre cette phrase que n’aurait pas reniée l’extrême droite : « Sansal est Français depuis peu ».
Quand on croit aux valeurs de la démocratie, quand on prétend défendre la liberté d’expression, il n’existe qu’une seule réponse : Boualem Sansal doit être libéré. POINT. Il n’y a pas de place pour le « oui, mais » lorsqu’il s’agit de condamner des arrestations arbitraires, des attaques terroristes ; lorsque nos libertés fondamentales sont minorées, bafouées, muselées ; lorsque la haine se répand.
Que répond le fondateur de Facebook, Marc Zuckerberg, à ceux qui lui reprochent de ne plus rectifier par une vérification solide et professionnelle de l’information les contrevérités que déversent complotistes et colporteurs de fake news sur les réseaux sociaux de sa société Meta ? « Oui, mais, ça entrave leur liberté ! » ose-t-il, cynique et dédaigneux envers les journalistes qui font leur travail.
Le « oui, mais » prépare des capitulations et des renoncements à nos valeurs qui pourtant ne sont pas négociables. Le « oui, mais », c’est oublier qu’il y a d’un côté des victimes et de l’autre des terroristes, des totalitaristes, des menteurs. Le « oui, mais » a justifié les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo. Le « oui, mais », c’est chercher des excuses à l’inexcusable. C’est ouvrir la porte à l’obscurantisme et la fermer à la liberté. L’avocat Richard Malka rappelle : « Le petit renoncement a préparé la grande catastrophe ».
Ne jamais oublier, ne jamais se taire, ne jamais relativiser, mais aussi ne jamais baisser la garde…
Carole Delga