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Face au totalitarisme, Augustin Malroux ne s’est pas dérobé

Publié le 11 avril 2025
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Le 11 avril 1945, le camp de la mort de Buchenwald en Allemagne était libéré. Le même jour, dans celui de Bergen-Belsen était identifié le corps du Député socialiste du Tarn Augustin Malroux, Maire de Blaye-les-Mines, déporté par le Régime de Vichy à qui il avait refusé les pleins pouvoirs 5 ans plus tôt. L’hommage qui est rendu aux déportés et au Député 80 ans après nous rappelle à l’esprit de résistance et surtout à l’obligation de ne rien céder quand la démocratie est en danger.

«  Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles »… Cette phrase de l’écrivain Max Frisch aurait pu être prononcée le 10 juillet 1940. Elle me vient à l’esprit quand je vois les noms du Député socialiste du Tarn et Maire de Blaye-les-Mines Augustin Malroux et de 79 autres parlementaires gravés sur une plaque de marbre à l’Assemblée nationale. Elle résonne encore plus fort au moment de commémorer les 80 ans de la libération des camps de concentration de Buchenwald et Bergen-Belsen où Augustin Malroux, affaibli par les privations et les épidémies, est mort le 11 mai 1945 juste après Anne Frank et son collègue de Saône-et-Loire Claude Jordery.

Ce 10 juillet 1940, Augustin, Claude et les autres se comptent à peine 80 pour voter résolument NON à l’attribution des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain qu’approuvent, l’échine courbée, une immense majorité de députés et de sénateurs. Parmi ceux-là, certains adhèrent à l’idéologie fasciste d’extrême-droite qui vient d’abattre par la force, la violence et l’obscurantisme, les démocraties européennes au fil des années 1930. D’autres votent «  oui mais », cédant à un de ces renoncements qui préparent les catastrophes historiques.

Entretenir et transmettre la mémoire des 80 députés courageux, des millions de déportés dans les camps de la mort, c’est un rappel à ne jamais baisser la garde face aux totalitarismes, aux fanatismes, au racisme et au séparatisme.

Quand Augustin Malroux, Vincent Badie et Marx Dormoy demandent la parole pour expliquer leur vote, elle leur est refusée. Tête haute, debout, ils s’exclament : «  Vive la République quand même ».

Debout parce que patriotes.

Debout parce que démocrates.

Debout pour défendre la liberté, la paix, l’universalisme.

Debout pour résister à la soumission, à la collaboration, à la dictature.

Debout parce que lucides. Devant l’Assemblée nationale, en 1936, Augustin Malroux a déjà plaidé pour l’envoi de blé exonéré de taxes de l’autre côté des Pyrénées où la République est en danger.Il implore le gouvernement du Front populaire de ne pas tergiverser sur le soutien à l’armée républicaine espagnole attaquée par les troupes franquistes appuyées par l’aviation du IIIe Reich et la Légion italienne de Mussolini.

Après Guernica, après le renoncement de Munich et le pacte germano-soviétique, ce 10 juillet 1940, le totalitarisme remporte devant le Parlement français une bataille idéologique mortifère pour la République. Augustin Malroux ne se dérobe pas malgré les rétorsions auxquelles il s’expose et expose les siens. Démis de son mandat de Maire de Blaye-les-Mines (Tarn) par le régime de Vichy, il traduit son acte politique en acte de résistance.

La vie du Député Augustin Malroux, c’est une histoire d’engagement et de courage.

Héritier de la circonscription de Jean-Jaurès dans ce pays minier du nord du Tarn, instituteur le jour, syndicaliste enseignant et élu local le soir et le dimanche, il se confronte au réel, parcourant villes, usines, campagnes et écoles à l’écoute des ouvriers, des paysans, des enseignants. De nombreuses avancées sociales du Front populaire portent sa signature.

Dès 1941, le résistant Malroux déploie son réseau d’amis politiques, d’imprimeurs et d’enseignants pour recréer dans la clandestinité le syndicat national des instituteurs et organiser une coordination entre différents groupes de partisans. Avant d’être capturé et déporté fin 1943.

Comme lui, quatre autres parlementaires parmi ceux qui se sont levés le 10 juillet 1940 ne sont jamais revenus des camps. Trois autres ont été assassinés par la Gestapo ou la milice. Ils ne sont pas devenus des visages mythiques du récit national. Pourtant l’honneur en politique porte ces 80 noms.

Celui d’Augustin Malroux figurera sur une statue à Blaye-les-Mines érigée ce 11 avril dans sa commune qui l’a réélu maire après la Libération alors qu’il se mourait à Bergen-Belsen.

Entretenir et transmettre la mémoire des 80 députés courageux, des millions de déportés dans les camps de la mort, c’est un rappel à ne jamais baisser la garde face aux dictateurs, aux fanatismes, au racisme et au séparatisme. Ces idéologies totalitaires peuvent changer de nom, de méthodes, d’alliances, mais leur but ne varie pas : abattre la démocratie et ses libertés, détruire nos valeurs fraternelles et émancipatrices d’égalité, de tolérance, de progrès social et humain pour tous. Ces valeurs pour lesquelles Augustin Malroux a sacrifié sa propre vie parmi six millions de déportés dans les camps de la mort.

 

L’équipe de La République en Commun