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Revendiquons la République debout, soyons Charlie pour la vie

Publié le 11 décembre 2024
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En tant que présidente de région, j’ai voulu rendre hommage aux victimes des attentats de janvier 2015 et apporter mon soutien aux journalistes, aux enseignants, aux caricaturistes qui défendent par leur travail la liberté d’expression.

La deuxième semaine de janvier 2015 est tragiquement entrée dans l’Histoire. Nous étions, en France et bien au-delà, sidérés, horrifiés, traumatisés par ces 17 assassinats perpétrés par des terroristes islamistes. Assassinés parce que dessinateurs, journalistes, chroniqueurs, membres de l’équipe de Charlie Hebdo. Parce que policiers. Parce que juifs.

Le peuple français s’est levé, uni autour de la devise de notre République, des principes humanistes de nos démocraties : ce 11 janvier 2015, plus de quatre millions de femmes et d’hommes descendaient dans les rues. Ils tenaient résolument au bout de leurs mains des unes du journal satirique, des pancartes célébrant la liberté, des panneaux reprenant « Je suis Charlie » ou encore les lunettes et le crayon de Charb. Ce fut le plus grand rassemblement citoyen de nos temps modernes. Des chefs d’État venus du monde entier avaient pris place dans le cortège autour du président François Hollande, entouré par la chancelière allemande Angela Merkel et le président malien Ibrahim Boubacar Keïta. C’était il y a 10 ans, jour pour jour.

Par-delà les siècles, la France de Wolinski et de Cabu, de Charb et de Bernard Maris, rencontrait celle de Voltaire, de Condorcet et de Victor Hugo, cette France éprise de libertés. Libertés de penser, d’écrire, de caricaturer, de blasphémer. Cette France qui, comme dit Riss, a envie de rire et donc envie de vivre. Voilà l’insoumission à la peur et le choix du courage !

Le chemin des esprits

Cette France est toujours là, sous nos yeux. Malgré d’autres attentats depuis, malgré un climat politique national et mondial toujours plus anxiogène, malgré les tensions et les fractures de nos sociétés, l’esprit Charlie demeure. La preuve par ce récent sondage IFOP/Fondation Jean Jaurès publié cette semaine par l’hebdomadaire : plus des trois quarts de nos concitoyens (76%) considèrent la liberté d’expression et de caricature comme un droit fondamental, contre 58% en 2012.

Albert Camus disait qu’un «  journal est la conscience d’une Nation ». Être Charlie, c’est bien cela : au-delà du titre, du contenu que l’on peut aimer ou pas, ce sont bien les idées, la liberté d’expression, les valeurs défendues ou promues par l’hebdomadaire qui sont en cause. La France de 2015 l’avait compris. La France de 2025 continue de le comprendre, et c’est tant mieux.

Oui, les esprits ont continué à cheminer depuis cette marche historique du 11 janvier 2015. S’il faut rester toujours vigilant, il faut savoir accueillir ce résultat sans angélisme mais avec optimisme et volontarisme. Il faut poursuivre inlassablement la transmission de ce fragile héritage. Nous devons continuer à convaincre les sceptiques. Nous devons déconstruire les « oui mais » qui sont le début des petits ou grands renoncements. Nous devons aider les jeunes à reprendre à leur tour, sûrement avec leurs mots et leurs codes, l’étendard de l’esprit Charlie et de la liberté d’expression. Parce que le sondage relève aussi une fracture générationnelle.

C’est une responsabilité collective de transmettre l’histoire de Charlie Hebdo, et plus largement celle de la satire, de la caricature ou du blasphème. Cet esprit qui a fait ce qu’est la France, sa culture, sa littérature reconnues dans le monde entier. C’est un impératif de mieux soutenir nos enseignants dans cette mission éducative. Il y a énormément d’initiatives positives dans nos écoles, dans nos associations, dans nos collectivités. Il manque pourtant un grand plan national, interministériel, coordonné, d’éducation aux médias.

Des fake news et un épouvantail

La France et l’Europe doivent également répondre, avec fermeté, à l’enjeu majeur et décisif qui se joue actuellement : celui de la liberté et de la vérité, c’est-à-dire l’indépendance de presse et la véracité de l’information, aujourd’hui manipulée par les fake news et l’épouvantail Elon Musk. Au risque de la déstabilisation, aussi grave que profonde, de nos démocraties par une internationale de l’extrême droite.

L’autre leçon de ce mois de janvier 2015, c’est l’unité du pays, d’un peuple, autour de notre République en commun. L’historien Michel Winock affirmait avec raison qu’on «  compte sur les doigts d’une main les journées où la Nation a fait bloc ». Au fond, on a beau l’appeler de ses vœux, on a beau la marteler à coups de discours plus pompeux les uns que les autres, l’unité ne se décrète pas. Elle puise ses ressources et trouve sa force dans l’action et non dans l’incantation.

Ne jamais baisser la garde

L’unité, cette si belle idée, ne doit souffrir d’aucune démagogie, d’aucune manipulation car elle renvoie à la conscience et au courage de chacun et de chacune, dans notre capacité à se dépasser. Ce moment, rare, doit être continuellement visé tel un idéal. La politique doit montrer la voie. Nous avons un devoir d’éthique et d’exemplarité. Ne jamais reculer face à ceux qui tentent de nous diviser ou d’affaiblir l’universalisme ; ne jamais baisser la garde face au racisme, à l’antisémitisme, à l’intégrisme, ou au complotisme.

Pour rendre confiance et espoir à nos concitoyens, il faut sortir des postures et des calculs politiciens pour revenir à la sincérité et au collectif comme méthode de gouvernance et d’action. Faire bloc, en 2025, c’est revendiquer la République debout. Partout et pour tous. C’est ainsi que nous serons fidèles à l’esprit Charlie.

Que vive Charlie, que vive la liberté, que vive la vérité, que vive la république française !

Carole Delga