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Ecole : orienter n’est pas trier

Publié le 10 avril 2025
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Le système éducatif ne doit pas être pensé et conçu pour formater des élèves dès le plus jeune âge mais pour les former tout au long de leur cursus, afin que chacun puisse avoir les mêmes chances de réussite scolaire dans la voie qu’il a choisie.

«  Il faut se préparer très jeune, presque depuis la maternelle, à réfléchir à la façon dont on se projette dans une formation et un métier » … Cette phrase de la ministre de l’Education Elisabeth Borne n’est pas seulement une maladresse d’expression. Elle exprime une réalité : oui les « élites » les « privilégiés », les 10% les plus riches, les « 200 familles » comme disait un slogan du Front Populaire en 1936 préparent l’orientation de leurs enfants dès la maternelle.

Résider dans les quartiers des bonnes écoles et des «  grands lycées », ou tout au moins y disposer d’une boîte postale pour contourner la carte scolaire et accéder aux options qui vont bien ; veiller aux fréquentations de l’établissement, parce qu’on est quand même mieux entre-soi ; s’assurer des bons profs ou à défaut payer au prix fort des cours particuliers… En général, ça se passe à l’intérieur du périphérique parisien, ça commence par une école privée et ça termine via Sciences-Po, à l’INSP (ex ENA), HEC ou un autre établissement prestigieux.

Leur maternelle est déjà une initiation aux codes sociaux, culturels et financiers de la réussite scolaire. La suite, un parcours que même les algorithmes de parcoursup n’entraveront pas au contraire.

Dans le gouvernement d’Elisabeth Borne, parmi les dirigeants qu’elle a pu côtoyer ou nommer à la tête de grands Corps d’Etat ou d’entreprises publiques, combien de ministres, de directeurs ont suivi cette voie «  presque » tracée dès le berceau ? Une voie royale mais certainement pas une voie républicaine.

Orienter tôt, c’est enfermer et condamner les élèves à l’assignation sociale et territoriale
Carole Delga

Orienter tôt, c’est enfermer et condamner les élèves à l’assignation sociale et territoriale.

Orienter tôt, c’est valider ce que Pierre Bourdieu décrivait comme la reproduction sociale.

Orienter tôt, c’est entériner les inégalités.

Orienter tôt, c’est poser des barrières et briser des rêves à la jeunesse issue des milieux populaires.

Orienter tôt, c’est jeter dans les bras des populistes ceux qui sont déclarés perdants du système éducatif avant même d’avoir terminé leur cursus.

Orienter tôt, ce n’est pas former mais formater : les uns à un métier «  de leur niveau social », les autres à une faculté et non à une grande école.

Orienter tôt, c’est garantir à une poignée «  d’héritiers » des places dans l’élite dirigeante et intellectuelle de la Nation.

Orienter tôt, c’est priver les plus défavorisés de l’accès à une culture générale, de l’éveil à l’esprit critique, aux arts, des échanges internationaux.

Orienter tôt, ce n’est pas former tous les futurs citoyens, sans exception, à comprendre le monde qui les entoure

Orienter tôt, c’est désorienter la promesse républicaine d’égalité des chances.

A 12 ans, à 15 ans, à 18 ans, à 20 ans, il n’est pas trop tard pour choisir sa destinée librement, pour réussir à l’école, pour s’orienter.

Je plaide pour que les Régions assument la coordination des services de l’orientation parce qu’elles font preuve d’une plus grande efficacité sur le terrain au plus près des élèves.

A la Région Occitanie, l’orientation est une priorité pour les lycéens. Nous avons fait le choix d’une politique volontariste pour que chaque élève s’épanouisse avec sérénité, quelle que soit son origine sociale ou géographique. Concrètement, nous proposons aux collégiens, lycéens et étudiants plus de 5 500 offres de stages sur la plateforme ID.Stages. Nous déployons sur tous les territoires une information identique pour tous avec des Maisons de l’Orientation Mobiles ou en accueillant plus de 8 000 élèves lors des salons ID.Métiers décentralisés.

Mais nous n’allons pas dans les écoles maternelles…

Carole Delga